:: OutKast : génies dissidents
Quand OutKast surgit d’Atlanta en 1994, le Sud rappeur écarté devient soudain épicentre.
André 3000 et Big Boi, duo bicéphale, cassent les lignes : la trap n’existe pas encore, mais eux dessinent déjà un territoire mutant, greffant George Clinton au boom-bap, la soul psyché à l’électro futuriste. Southernplayalisticadillacmuzik pose le décor : chrome, weed, Cadillac, mais surtout verbe ciselé et beats liquides.
Puis vient ATLiens, puis Aquemini - et l’étrange devient manifeste. André lâche ses bandanas pour des turbans interstellaires, Big Boi reste ancré dans la rue, pimp et poète. Ensemble, ils ouvrent le rap US à l’afrofuturisme sans cours magistral : chaque rime, chaque basse élastique, chaque chœur gospel propulsent le ghetto vers Saturne.
OutKast, c’est la collision du Dirty South et de Sun Ra, du funk poisseux et du spoken word surréaliste. Stankonia explose tout : Ms. Jackson devient hymne de rupture, B.O.B annonce le rap sous stéroïdes et la jungle beat. Ils n’imposent pas seulement des sons - ils imposent un imaginaire. En pleine ère Jiggy, ils osent le déguisement, le travestissement, le freak. Leur sud est moite, baroque, fêlé.
Et quand ils se séparent en faux jumeaux sur Speakerboxxx/The Love Below, ils accouchent d’un classique schizophrène : l’un groove, l’autre croone - un rappeur chante, l’autre funkifie le bitume. Personne n’a depuis réuni à ce point la pop, le rap, le funk, le psychédélisme et la désinvolture. OutKast est mort, vive OutKast : on attend toujours leurs héritiers.