Paranoid Android : le cauchemar numérique en six minutes de grâce
C’est un orage en plusieurs mouvements, une symphonie de panique. Quand "Paranoid Android" sort en 1997, Radiohead vient de comprendre que la modernité n’est pas un progrès, mais une fièvre.
Le monde se connecte, l’âme se déconnecte. Et dans cet entre-deux, Thom Yorke hurle, murmure, implore : un prophète coincé dans un modem.
La chanson commence comme un délire propre, presque poli - guitare sèche, voix aérienne - avant de vriller dans la paranoïa la plus électrique. Le groupe découpe la réalité en trois fragments : une conversation d’anges drogués, un cri industriel, puis une lente noyade.
On y sent l’ombre de Bohemian Rhapsody et la brutalité de OK Computer à venir : c’est un Frankenstein musical, construit avec des morceaux de rock progressif, de soul désincarnée et de désespoir numérique.
Jonny Greenwood sculpte des guitares comme des lames de verre. Yorke plane au-dessus de la ruine : “Ambition makes you look pretty ugly.” Tout est dit. Le monde tourne trop vite, et Radiohead en signe la bande-son avant la chute.
Paranoid Android, c’est la beauté qui bugue. Une apocalypse millimétrée. Une prière pour humains obsolètes. Et vingt-cinq ans plus tard, on n’a toujours pas trouvé la touche “Reset”.