Pépite : Rumours
Il suffit de lancer "Dreams" pour comprendre : "Rumours" n’est pas seulement un album, c’est une tempête sentimentale gravée dans le vinyle.
En 1977, au moment où le rock FM poussait les guitares vers le ciel californien et où Fleetwood Mac devenait un groupe gigantesque, tout éclate. Amours qui se déchirent, couples qui se brisent, non-dits étouffés dans la fumée des studios de Los Angeles. On pourrait croire à une tragédie privée ; ce sera au contraire l’un des disques les plus fédérateurs de son époque. Ironie cruelle et magnifique : la cassure les a rendus immortels.
Musicalement, Rumours est d’une précision chirurgicale. Des chansons courtes, ciselées, sans un gramme de graisse. Christine McVie apporte la douceur lumineuse (Songbird), Stevie Nicks l’incantation mystérieuse, Lindsey Buckingham le nerf, les angles, l’électricité. Le son est propre, limpide, presque aseptisé parfois, comme si l’on voulait balayer le chaos personnel sous un tapis de perfection studio. Les harmonies vocales, elles, sont d’une beauté irréelle : trois voix qui ne s’aimaient plus mais chantaient comme si leurs vies en dépendaient. Peut-être était-ce vrai.
On raconte que certaines nuits, Buckingham repassait ses solos seul au casque jusqu’à l’aube, obsédé par le résultat. Que Nicks écrivait ses paroles à quelques mètres de celui qui venait de la quitter. Que chacun savait que les chansons parlaient de l’autre, et que c’est précisément ce qui leur donnait ce feu qu’on ne retrouve pas deux fois dans une carrière.
Rumours, c’est la mise à nu la plus élégante de la pop des années 70. Une thérapie collective devenue disque de diamant. Comme si la vie, parfois, ne laissait qu’une solution : chanter pour ne pas sombrer. Et enregistrer l’indicible.

