:: Pixies : surfer sur la déchirure
Les Pixies, c’est une vague sale et parfaite qui a explosé à la gueule de la fin des années 80.
Boston crache ses groupes comme un moteur grippe de la rouille : Black Francis hurle ses délires biblico-schizo sur une rythmique qui mord le sable et recrache du sang. Les guitares de Joey Santiago tranchent l’air sec, déglinguées, surf-music démembrée. Kim Deal murmure comme une sirène punk, basse claquante, sourire carnassier.
Ce qui frappe, c’est le contraste : douceur désaxée, explosions de violence. “Where Is My Mind?” plane encore au-dessus des ruines de la génération MTV : mantra spectral, foutoir mélodique si bien foutu qu’on jure qu’ils l’ont enregistré en une prise, entre deux crises de nerfs.
Sur Doolittle, chaque morceau est un os qu’on ronge jusqu’à la moelle, riffs écorchés, textes absurdes comme des visions post-nucléaires. Ils ouvrent une faille : sans eux, pas de Nirvana, pas de grunge à vendre aux foules. Kurt l’a dit : copier les Pixies, c’était sa meilleure idée.
Mais les Pixies restent indigestes : trop bruts pour les radios, trop jolis pour l’underground puriste. Ils se sabordent eux-mêmes, split en pleine gloire, chacun va bricoler ses fantômes. Et pourtant, dans chaque groupe indé qui émerge, on entend ce cri fêlé : couplets en sourdine, refrains hurlés, tension sexuelle sous acide. L’héritage est là : un ADN de déraillement mélodique.
Aujourd’hui, ils tournent encore, vieux requins qui flairent le sang. Sur scène, l’électricité est intacte. Et sous les harmonies bizarres, ce bruit blanc persiste : la preuve qu’un groupe peut changer le monde en hurlant doucement.