PJ Harvey : la lame vive du rock moderne
Il y a des artistes qui ne se contentent pas d’habiter leur époque : ils la forcent à changer de température. PJ Harvey est de ceux-là.
Dès les années 90, alors que le rock cherche encore sa mue post-grunge, elle surgit avec une énergie brute, fiévreuse, presque indomptée. Une guitare râpeuse comme une corde de violon trop tendue. Une voix qui peut devenir un coup de fouet, ou un murmure qui vous traverse la nuque. Elle ne chante pas : elle invoque.
On oublie parfois à quel point Dry puis Rid of Me ont redéfini la violence émotionnelle au féminin. Pas dans une posture revendicative, mais dans une vérité implacable. En studio, Steve Albini capte son urgence comme un photographe de guerre saisit la poussière et la lumière. Sur scène, elle avance concentrée, presque spectrale, et le public comprend qu’il assiste à quelque chose de rare : une artiste qui se met vraiment en jeu, sans décor, sans masque, sans peur.
Puis vient la métamorphose. To Bring You My Love, Stories From the City…, Let England Shake : à chaque album, elle fait peau neuve. Blues toxique, rock incandescent, poésie politique, folk hanté, PJ Harvey n’avance jamais en ligne droite. Elle écrit comme on dresse une cartographie intime, chaque disque étant une enquête sur la forme que peut prendre une voix humaine. Et quelle voix : élastique, expressive, parfois cassée, parfois impériale.
Sa musique est un territoire. Une île battue par les vents, où chaque chanson ressemble à un phare. Pour ma part, je ne connais presque personne qui ose autant se brûler pour avancer. PJ Harvey ne cherche pas le confort : elle cherche le feu. Et elle le trouve, toujours.

