Queen : le faste, la foudre et l’opéra du bitume
Ils n’étaient pas un simple groupe de rock ; ils étaient une anomalie chromée, un défi lancé à la grisaille des charts britanniques.
Lorsque Freddie Mercury s’empare du micro, ce n’est pas pour chanter, c’est pour convoquer les cieux. Queen a transformé la sueur des stades en une messe baroque où le cuir du rock’n’roll épousait sans rougir les velours de l’opéra. Le choc.
Au cœur de la machine, une précision d’orfèvre. Brian May ne se contente pas de jouer de la guitare ; avec sa Red Special sculptée dans le bois d’une cheminée, il tisse des orchestrations symphoniques que l’on jurerait sorties d’un orchestre de chambre. La rythmique de Deacon et Taylor ? Une enclume de précision, capable de passer d’un funk poisseux à une cavalcade heavy en un claquement de doigts.
Mais c’est cette voix, cet instrument total, qui change la donne. Mercury ne se contentait pas d’atteindre des notes impossibles ; il habitait chaque syllabe avec une urgence vitale, une théâtralité qui rendait le spectateur du dernier rang aussi important que celui du premier.
On se souvient des sessions de “Bohemian Rhapsody”, de ces bandes magnétiques usées à force de superpositions, de la folie des grandeurs qui aurait dû les couler mais qui les a sanctifiés. Sur scène, c’était une déflagration de charisme. Voir Mercury haranguer Wembley, c’est assister à la réconciliation de l’intime et du gigantesque.
À mon sens, Queen reste le dernier rempart contre l’ennui : une preuve flamboyante que l’excès, lorsqu’il est porté par un talent insolent, est la seule forme de politesse acceptable dans l’art. Ils nous ont appris que l’on pouvait être des champions, même quand on se sentait seuls au monde.

