Reach Out, I’ll Be There : le cri de l’âme Motown
C’est un cri, pas une chanson. Un coup de tonnerre sorti des studios Hitsville en 1966. Les Four Tops ne chantent pas "Reach Out I’ll Be There" - ils l’incarnent.
Levi Stubbs, voix rugueuse, tendue comme un câble électrique, hurle l’amour comme s’il voulait sauver quelqu’un du vide. Et peut-être lui-même.
Sous la surface, Holland-Dozier-Holland ont construit une cathédrale. Batterie martiale, flûtes traversières sorties de nulle part, basse qui galope - la soul s’habille soudain d’un souffle presque symphonique. C’est Motown au sommet de son art : populaire, sensuelle, mais traversée par une fureur quasi mystique.
Quand le morceau sort, l’Amérique tangue : guerre du Vietnam, émeutes raciales, désillusion. Et voilà qu’un refrain promet : “I’ll be there”. Pas seulement pour un amour - pour tout un peuple en manque d’air. La chanson devient un refuge, une prière laïque, une promesse de fraternité dans le chaos.
On dit souvent que la soul, c’est le gospel qui a mis un costume. Ici, c’est le contraire : le costume se déchire, et le gospel revient, sauvage, incandescent. À chaque écoute, Stubbs semble chanter depuis un précipice - et nous attraper juste avant la chute.
Une minute de plus, et le monde aurait pris feu.