:: R.E.M. : les éveilleurs du rêve américain
Nés dans les marges moites d’Athens, Géorgie, en 1980, R.E.M. n’a jamais cherché le vacarme - il l’a subtilement contourné.
Avec leur folk-rock anguleux, leurs textes cryptiques et une honnêteté désarmante, ils ont rallumé la flamme d’un rock alternatif qui refusait de mourir.
Michael Stipe, silhouette fébrile et voix de brume, chantait comme on rêve ou comme on survit. Ses mots- souvent énigmatiques - laissaient plus de portes entrouvertes que de vérités assénées. Ce flou poétique devenait arme : contre l’indifférence, contre Reagan, contre l’effondrement du sens. Peter Buck, lui, tissait des arpèges de jangle pop qui sonnaient comme les Byrds sous acide, offrant à chaque chanson un éclat d’évidence mélodique.
Avec Murmur (1983), ils ont brouillé les pistes. Avec Document (1987), ils ont hurlé leur lucidité. Et avec Automatic for the People (1992), ils ont touché au sublime - ce disque d’élégies désabusées, où la mort n’est plus tragédie mais nécessité. Des cordes funèbres, des harmonies spectrales, une douleur sans posture.
Mais R.E.M., c’est aussi le passage de l’ombre à la lumière mainstream sans jamais vendre leur âme. Premiers héros du college rock à conquérir les charts sans renier l’intimité, ils ont ouvert la voie à une génération d’artistes entre spleen et lucidité.
Puis ils sont partis, dignes, sans fracas. Parce qu’ils savaient : le rêve ne s’éternise pas, il s’écrit en filigrane. Et R.E.M. en fut la plus belle calligraphie.