R.E.M. : l'évangile selon Saint Michael
Avant eux, le rock américain s'essoufflait dans les stades ou s'enterrait dans le bruit. Puis, une ligne de basse bondissante et des arpèges de Rickenbacker ont déchiré le voile.
R.E.M. n’était pas qu’un groupe ; c’était un murmure devenu clameur, une énigme sudiste enveloppée dans la brume de l’alternative. Michael Stipe, dos au public, marmonnait des textes cryptiques comme on récite des incantations païennes dans une grange de Géorgie. Le choc. Une révolution en sourdine.
Leur son est une architecture de verre et d’acier : la guitare de Peter Buck, claire et nerveuse, dialogue avec la section rythmique la plus agile de sa génération. Berry et Mills ne se contentaient pas de tenir le tempo, ils dessinaient des contre-chants, transformant le folk en une force de frappe tellurique. On sent la sueur des clubs moites de 1982, le craquement des vinyles indépendants et cette ambition folle de rester pur sous les projecteurs du monde entier. Ils ont appris à l’Amérique que l’on pouvait être vulnérable et immense à la fois.
Écouter leur évolution, c’est voir un enfant sauvage se transformer en géant politique, troquant le mystère pour une lucidité tranchante. Je revois encore cette silhouette frêle sur scène, habitée par une électricité presque insoutenable, capable de faire basculer une salle entière dans une mélancolie extatique. Ils étaient le pont nécessaire entre le punk et l’éternité.

