:: Rocket Man : l’insolence éternelle d’Elton John
Derrière ses lunettes strassées, Elton John a toujours caché une colère tendre.
Né Reginald Dwight dans une banlieue anglaise trop grise pour contenir ses mélodies, il explose dans les années 70 comme une étoile queer au milieu du rock machiste. Sa voix n’est ni rugueuse ni céleste : elle gronde et caresse, capable de gravir un refrain comme on gravit un volcan. À ses côtés, Bernie Taupin signe des textes énigmatiques, intimes, où l’Amérique se rêve entre néons et poussière d’Hollywood.
Musicalement, Elton est un caméléon carnassier : piano baroque, gospel, glam, pop de stade… tout y passe, digéré, recraché, transformé en tube planétaire.
Goodbye Yellow Brick Road reste un manuel de songwriting : chaque note y claque comme une gifle, chaque mot respire la fuite et le désir de tout embrasser. On l’a cru fini cent fois, englouti par les excès de poudre et de champagne ; mais sa voix, son piano, son arrogance tendre ont traversé les décennies.
Plus qu’un showman, Elton John est un symbole. Flamboyant quand il fallait être viril, mélancolique quand le rock préférait la rage brute. Il a offert aux laissés-pour-compte - gays, excentriques, rêveurs - un héros bigger than life, une preuve vivante qu’on pouvait briller sans demander pardon. Derrière la paillette : une sincérité brutale, un humanisme sans détour, et un piano qui cogne comme un battement de cœur sous acide.
Aujourd’hui encore, Rocket Man brûle. Et tant pis si le carburant est toxique : Elton John restera toujours cet enfant furieux qui joue trop fort pour que le monde puisse l’ignorer.