Simon & Garfunkel : le murmure qui a traversé le vacarme du siècle
Il y a dans la voix de Simon & Garfunkel quelque chose d’irréel. Comme si deux fantômes new-yorkais s’étaient penchés sur le tumulte des années 60 pour en tirer un fil d’or, une clarté dans la brume.
Pendant que le monde grondait - guerre du Vietnam, révoltes étudiantes, assassinat de Kennedy - eux déposaient des harmonies fragiles, nettes comme du verre.
Paul Simon, l’orfèvre des mots et des accords, savait capter la mélancolie des trottoirs de Queens aussi bien que les grands tourments de l’Amérique. Art Garfunkel, voix angélique, planait au-dessus, comme une arche fragile reliant le ciel au béton. Ensemble, ils ont fabriqué une musique qui tient à la fois de la confession intime et du chant universel.
Écouter The Sound of Silence ou Bridge Over Troubled Water, c’est entendre l’écho d’une nation qui doute mais qui rêve encore. Les guitares sèches claquent comme des pas dans un couloir vide, les harmonies vocales ouvrent des cathédrales invisibles. On dit souvent que Dylan avait les mots et que Simon & Garfunkel avaient la beauté - peut-être est-ce vrai, mais cette beauté-là ne s’est jamais contentée de plaire. Elle blesse doucement, elle hante.
Sur scène, ils n’étaient pas des bêtes de rock : ils étaient deux silhouettes presque trop sages. Et pourtant, chaque salle devenait un temple, chaque silence entre deux chansons une prière suspendue. Leur séparation en 1970 a laissé un vide étrange, comme si quelqu’un avait brusquement éteint une lampe qui éclairait l’intérieur de nos vies.
Aujourd’hui encore, leurs chansons ne vieillissent pas. Elles reviennent comme des oiseaux migrateurs, rappelant que parfois la fragilité est la forme la plus éclatante de la force.