Singles : Once in a Lifetime, Talking Heads et la transe moderne
"How did I get here?" Cette question claque comme un miroir brisé dans "Once in a Lifetime".
1980, Reagan s’apprête à transformer l’Amérique, les rêves deviennent consommation, et David Byrne, en prêcheur halluciné, déroule un sermon funk postmoderne. La chanson n’explique rien : elle met le doigt sur l’étrangeté du quotidien, l’aliénation douce des banlieues, le vertige des existences toutes tracées.
Musicalement, c’est un ovni : Brian Eno, à la production, mélange rythmes afro, boucle de basse hypnotique, touches de synthés comme des éclats d’acier. Pas de couplet-refrain classique : juste une transe, une incantation répétée jusqu’à la dérive. La voix de Byrne tremble, s’emballe, hésite entre extase et panique. Le tout sonne à la fois archaïque et futuriste.
Je me souviens de la première fois que j’ai vu le clip : Byrne, costume trop grand, gestes spasmodiques, comme possédé par une énergie tribale et bureaucratique. C’est drôle et terrifiant. Une danse de bureau devenue rituel vaudou.
Écouter Once in a Lifetime, c’est se confronter à cette vérité : la vie passe, elle nous traverse, et tout ce qu’on peut faire, parfois, c’est répéter la question. How did I get here?