:: Slacker Blues : le nihilisme joyeux de "Loser"
Quand Loser surgit en 1993, c’est une flaque de cambouis dans le désert indie : un riff de slide guitar poussiéreux, un beat bricolé, et cette phrase devenue mantra pour une génération trop fatiguée.
Beck, blond mal peigné, assemble le hip-hop lo-fi, le folk fêlé et le spoken word comme un môme qui collerait des affiches déchirées sur le mur du garage.
“Soy un perdedor” (je suis un perdant) - l’ironie est totale. Beck samplait la culture pop pour en recracher un autoportrait de looser magnifique, lucide et flou. Dans ce single improbable, tout est accident : le groove qui claque malgré le 4 pistes pourri, les paroles nonchalantes, le flow nasillard, le sarcasme comme armure. C’est le grunge sans guitare lourde, le rap sans posture gangsta : un refus poli du sérieux.
Loser est un tube par erreur, un hymne générationnel qui se fout du concept même d’hymne. Derrière la feinte du je-m’en-foutisme, on entend la rage douce d’une époque qui digère ses illusions à coups de samples crades et de rimes dada. On sent la Californie en cul-de-sac, le rêve américain qui bégaye, la pop qui recycle ses propres ordures.
Trente ans plus tard, Loser n’a pas vieilli. C’est toujours un doigt d’honneur en sourdine, une ritournelle pour ceux qui transforment l’échec en style de vie. Dans ce hit improbable, Beck révélait déjà sa force : la liberté de tout piller, tout mélanger, tout moquer - et faire danser la défaite.