:: Sly and The Family Stone : émeute électrique
Sly and the Family Stone, c’est l’explosion du rêve américain au napalm funky.
À la fin des sixties, quand le flower power fanait sous les bottes de la Garde nationale, un homme noir en bottes à plateforme et costume psychédélique décida de mélanger la soul, le rock, le gospel, le chaos et l’utopie. Sylvester Stewart - Sly - invente un groupe mixte, racialement, sexuellement, musicalement. Une bombe sociale avant même de jouer une note.
Et quelles notes. Dance to the Music, Everyday People, Thank You (Falettinme Be Mice Elf Agin) : chaque titre est une secousse tectonique. La basse de Larry Graham invente le slap comme on claque une gifle à l’histoire. La batterie déraille, les cuivres hurlent comme des sirènes de guerre, et Sly, prophète cabossé, injecte à la pop sa schizophrénie funk.
Mais derrière les sourires de Stand!, le vernis craque vite. There’s a Riot Goin’ On (1971) est une descente dans les ténèbres. Boîtes à rythmes étouffées, chant narcotique, groove en apnée : l’Amérique post-Woodstock se regarde dans un miroir brisé. Finis les slogans, place au désenchantement. L’utopie black-power est devenue paranoïa toxique.
Sly fut trop en avance, trop intense, trop réel. Il offrit à Prince, Public Enemy, D’Angelo ou Kendrick Lamar un lexique d’insubordination musicale. Il a montré que le groove pouvait brûler comme un cocktail Molotov, que la soul pouvait pleurer et hurler dans le même souffle.
Aujourd’hui, dans chaque beat glitché, chaque chant spectral, chaque funk fracturé, il y a un peu du spectre de Sly. Héros maudit, visionnaire saboté par sa propre légende. Mais toujours debout, quelque part, dans le groove.