Stairway to Heaven : l’ascension mystique du rock
Il y a des chansons qui semblent ne pas avoir été écrites, mais révélées. "Stairway to Heaven" en fait partie.
En 1971, Led Zeppelin la fait surgir de nulle part, huit minutes de lente combustion, sans refrain, sans format, et pourtant universelle. C’est un pèlerinage sonore, un escalier qu’on gravit note après note, porté par l’ombre du folk anglais, la ferveur du blues et la démesure électrique des seventies.
Tout commence dans le silence, une guitare à douze cordes, presque pastorale. Page tisse une toile fragile, un motif en arpèges enregistré à Headley Grange, ce manoir hanté où Zeppelin avait installé son laboratoire de sons. Puis viennent la flûte de John Paul Jones, la batterie contenue de Bonham, la voix de Plant, d’abord douce, presque incantatoire. Et soudain, tout s’élève : le tempo s’accélère, la tension monte, les guitares se déchirent. Quand le solo surgit, incandescent et mélodique à la fois, c’est comme si le rock atteignait enfin son point d’orgue spirituel.
Plant parle d’une femme “qui achète son escalier vers le paradis”, une métaphore, peut-être, d’une époque obsédée par la possession plus que par la transcendance. L’Amérique, alors, s’essouffle après Woodstock ; le rêve hippie s’effrite. Stairway en capte la nostalgie et la promesse : la beauté avant la chute.
On a tout dit sur ce morceau : trop joué, trop sacralisé. Mais qu’importe. À chaque écoute, il continue de brûler, lentement, majestueusement. Comme un feu ancien qu’on ne peut pas vraiment éteindre.

