The Cure : l’éternelle nuit qui danse
The Cure, c’est la beauté du désespoir mise en musique. Une pluie fine qui tombe sur les années 80 et ne cesse jamais vraiment.
Au centre, Robert Smith - silhouette noire, cheveux en orage, rouge à lèvres comme une blessure. Il n’a jamais voulu être un gourou, il l’est devenu malgré lui : prophète d’une mélancolie partagée, d’une génération qui a compris qu’on pouvait danser avec ses fantômes.
Quand Seventeen Seconds (1980) déploie son brouillard synthétique, on entend l’écho des villes industrielles, la solitude moderne en réverbération. Avec Pornography, The Cure pousse le nihilisme jusqu’à la transe. Puis, miracle : The Head on the Door et Kiss Me Kiss Me Kiss Me ouvrent les fenêtres - la pop entre en collision avec la noirceur, et tout s’embrase. Ce mélange-là, personne ne l’avait osé avec autant de grâce : la tristesse qui groove, la nuit qui scintille.
Disintegration (1989) reste la cathédrale gothique du groupe. Chaque morceau y sonne comme une prière noyée sous la pluie. Smith y pleure et y triomphe. La guitare devient un organe vital, la basse pulse comme un cœur battant au ralenti. Écouter “Pictures of You”, c’est se rappeler que la nostalgie peut être une forme d’ivresse.
Et puis il y a la scène : les concerts de The Cure durent parfois trois heures, comme des rêves prolongés. Smith chante les yeux fermés, comme s’il implorait le temps d’arrêter de passer.
Quarante ans plus tard, leur ombre s’étend encore sur tout ce qui est un peu triste et un peu beau. The Cure n’a jamais guéri personne - mais ils ont appris au monde à aimer ses blessures.