:: The Rolling Stones : sexe, sueur et survie
Ils ont tout volé, et pourtant, tout leur appartient. Dès 1962, les Stones n’étaient pas seulement un groupe : c'était une promesse sauvage, un pacte faustien entre blues primal et décadence urbaine.
Là où les Beatles rassuraient, les Stones allumaient le feu.
Leur son, c’est le choc frontal d’un riff de Keith Richards - tranchant, sale, réduit à l’os - et du grognement érotico-narquois de Jagger, théâtre en sueur d’un monde qui vacille. "(I Can’t Get No) Satisfaction", c’est une révolution au fuzz, un cri d’impuissance moderne noyé dans l’abondance, balancé en pleine gueule d’une société corsetée.
Mais les Stones ne se sont pas arrêtés à la provocation. Beggars Banquet, Let It Bleed, Sticky Fingers, Exile on Main St. : un enchaînement de disques bruts, hantés, viscéraux. Country désossée, gospel halluciné, blues des bas-fonds - ils ont creusé dans la vase de l’Amérique pour y puiser leur grandeur. Chaque album est un instantané du chaos : meurtres, drogues, sexe, ruines - tout y est, en beats et en réverbérations.
Ils n’ont jamais été propres. Ni corrects. Ils ont été vivants. Et ce qui sidère, plus de 60 ans après, c’est cette capacité surnaturelle à incarner le rock, non comme genre musical, mais comme force élémentaire. Les Stones, c’est le bruit de l’Occident qui se défait, avec style, panache et un foutu sourire au coin des lèvres.
Le rock est peut-être mort. Mais les Rolling Stones, eux, n’ont jamais fait autre chose que vivre.