There Is a Light That Never Goes Out : le chagrin éternel des Smiths
1986. L'Angleterre de Thatcher, froide et grise. Une jeunesse qui étouffe, entre chômage et cynisme. Et au milieu de ce marasme, The Smiths offrent un phare mélancolique.
There Is a Light That Never Goes Out n’est pas qu’une chanson ; c’est le manifeste d’une génération, la promesse désespérée que même au fond du désespoir, la connexion humaine, éphémère et sublime, peut vaincre la mort. L’album “The Queen Is Dead” est un chef-d’œuvre de frustration, mais cette ballade est son cœur battant, doux et venimeux.
Musicalement, c’est l’alchimie entre Johnny Marr et Morrissey à son zénith. Marr déploie une mélodie d’une simplicité désarmante mais d’une force émotionnelle inouïe. La ligne de synthé qui imite un violoncelle pleurant, souvent attribuée à tort à un véritable orchestre, ancre la chanson dans une tristesse majestueuse. La batterie de Mike Joyce est discrète, presque retenue, laissant toute la place à la voix de Morrissey, ce murmure tremblant et théâtral. L’innovation ? C’est le crescendo émotionnel servi par une structure pop classique, mais détournée par cette obsession romantique morbide : “If a double-decker bus crashes into us...”
L’anecdote est révélatrice de la nature du groupe. La mélodie de Marr a été initialement rejetée par le producteur Stephen Street, qui la trouvait trop “léger”. Marr a dû se battre pour l’imposer. Imaginez le monde sans ces accords ! Ce refus initial souligne la manière dont les Smiths ont toujours nagé à contre-courant, transformant le désespoir en un objet pop étincelant. Ce morceau, c’est l’acceptation joyeuse du destin tragique.
Ce qui me frappe, c’est cette sensation de voyage final, d’une douceur terrible. C’est l’équivalent musical d’une scène de cinéma où les deux amants, épuisés, choisissent de s’endormir ensemble au milieu d’une tempête. Une chanson qui vous dit : oui, votre chagrin est valide, et en plus, il est magnifique. Une lumière qui ne s’éteint jamais ? Bien sûr, c’est l’art. C’est Morrissey criant son désir d’une mort romantique. C’est le son d’une voiture filant vers la mer, l’autoradio hurlant : “Prends ma main, et viens mourir avec moi ce soir.” Indispensable.

