:: Tutti Frutti : le cri primal du rock’n’roll
Avant "Tutti Frutti", le rock’n’roll n’était qu’un murmure timide. En deux minutes et seize secondes, Little Richard a tout pulvérisé : la bienséance, le rythme sage, la voix policée.
A-wop-bop-a-loo-bop-a-lop-bam-boom : ce n’est pas une simple onomatopée, c’est l’explosion d’un barrage trop longtemps contenu.
Sorti en 1955, ce morceau incarne le point zéro d’une jeunesse prête à balayer l’Amérique conservatrice. Little Richard, avec sa coiffure en banane et ses costards à paillettes, hurle l’émancipation sexuelle et raciale à coups de piano martelé comme un ring de boxe. Chaque note de son falsetto est un uppercut contre l’ordre moral. Derrière lui, la batterie claque sec, la guitare se fait discrète mais tendue, prête à bondir.
Tutti Frutti naît d’un cabaret interlope, de paroles salaces réécrites pour la radio - mais l’esprit reste intact : une célébration du désir brut, sans filtre, sans excuse. Si Elvis a popularisé le rock, Little Richard lui a donné son grain de folie. Sans lui, pas de Beatles, pas de Bowie, pas de Prince. Juste des crooners bien peignés.
Il faut réécouter Tutti Frutti aujourd’hui, non pas comme un vieux tube nostalgique, mais comme une gifle toujours vive. C’est le rock à son état sauvage : frondeur, ambigu, électrisant. Quand Little Richard hurle, c’est l’Amérique qui perd son innocence - et trouve son rythme. Une liberté criée à gorge déployée, qui résonne encore chaque fois qu’un gamin gratte trois accords pour emmerder le monde.