:: Unfinished Sympathy : inachevée mais éternelle
En 1991, Unfinished Sympathy tombe du ciel comme une météorite sentimentale. Ce n’est pas encore Massive Attack - du moins, pas le mythe.
Ce sont trois gars de Bristol, héritiers du soundsystem et du reggae déstructuré, qui bricolent une prière futuriste dans les ruines du Royaume-Uni thatchérien. Et tout à coup, la soul devient spectrale, urbaine, postmoderne.
La voix de Shara Nelson ne chante pas : elle implore. Elle avance, nue, sur une ligne de cordes cinématographiques, suspendue entre douleur et dignité. On croit entendre une Marvin Gaye réincarnée dans un monde sans rédemption. Le beat est là, discret mais inexorable, comme un cœur qui bat après la rupture. Et le sample hip-hop ne se pavane pas : il creuse. Il murmure. Il agit comme un écho politique - blackness mélancolique dans une Angleterre blanche qui s’ignore.
Ce n’est pas une chanson : c’est une expérience. Une errance. Le clip - cette traversée en un seul plan d’une rue banale de Los Angeles - en dit long : on avance, on ne revient pas. Tout est là, contenu dans le titre. Unfinished, oui. Parce qu’on ne guérit jamais tout à fait. Parce que l’amour ne s’achève pas proprement, il flotte, il blesse, il reste.
Avec ce morceau, Massive Attack invente sans le savoir le trip-hop, mais ce serait réducteur de l’enfermer là. C’est une épiphanie pop, une liturgie laïque pour temps modernes. Vingt secondes d’intro suffisent à figer le temps. Et le reste - le frisson orchestral, la douleur majestueuse – vous hante encore longtemps après la dernière note.