What'd I Say : quand le gospel bascule dans le feu du désir
C’est peut-être la première fois qu’un morceau a vraiment fait danser le péché.
En 1959, Ray Charles improvise What’d I Say sur scène, un simple remplissage pour tuer le temps… et déclenche une révolution. À la croisée du gospel et du blues, il injecte dans la musique populaire une charge érotique que l’Amérique puritaine ne voulait pas entendre - mais que le public, lui, réclamait à cor et à cri.
Tout est là, dès l’intro : ce riff de piano électrique, martelé comme une machine de désir, accompagné par une section rythmique qui cogne sec. Puis les cuivres, les claps, et surtout ce dialogue incandescent entre Ray et ses choristes, les Raelettes. Des “uh!” et des “ah!” qui font plus pour la libération sexuelle que mille discours. La structure elle-même est une invention : pas de couplets sages, mais une montée qui s’étire, se répète, s’enflamme. Le morceau est une transe.
On raconte que certaines radios l’ont banni. Trop suggestif, trop dangereux. Résultat : il grimpe dans les charts et devient l’hymne des pistes de danse, de Harlem aux campus blancs. C’est le moment précis où le rhythm’n’blues mutera en soul, où Ray Charles, en brouillant les frontières sacrées et profanes, ouvre la voie à James Brown, Aretha, Prince.
What’d I Say, c’est la musique qui découvre son propre corps. Et quand elle se met à crier, impossible de faire taire le monde.